Le gouvernement de Sébastien Lecornu a franchi une étape cruciale, jeudi 23 octobre 2025, en actant officiellement le recours à une lettre rectificative pour suspendre la réforme des retraites. Cette procédure inscrit la mesure au cœur du projet de budget de la Sécurité sociale, un « gage de clarté » pour un débat parlementaire qui s’annonce intense.
Une décision actée pour un débat loyal
L’engagement pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale le 14 octobre dernier entre dans le vif du sujet. Réuni ce jeudi 23 octobre en un Conseil des ministres extraordinaire, l’exécutif a formellement acté le recours à une lettre rectificative au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Cette manœuvre juridique, bien plus qu’une simple formalité, a une portée hautement politique. Le gouvernement y voit un « gage de clarté et de transparence ». En intégrant la suspension directement dans le texte initial du budget de la Sécu, Matignon souhaite garantir la tenue d’un débat parlementaire loyal et sincère sur cette question sociétale majeure. Il s’agissait d’une exigence forte des partis d’opposition, notamment du Rassemblement national et de La France Insoumise, désireux de s’assurer que la promesse serait bien tenue.
Le contenu concret de la suspension
La lettre rectificative ne se contente pas d’un principe ; elle en précise les modalités. Conformément aux annonces de Sébastien Lecornu, elle prévoit :
- La suspension du relèvement de l’âge légal de départ. L’âge est gelé à 62 ans et 9 mois pour les générations concernées, au lieu de continuer sa progression vers 64 ans.
- La suspension du relèvement de la durée de cotisation. Le nombre de trimestres requis pour une retraite à taux plein est figé à 170.
Cette suspension est valable jusqu’au 1er janvier 2028, soit après l’élection présidentielle de 2027, laissant ainsi le soin aux Français de trancher le débat lors du scrutin.
Un coût chiffré et un financement controversé
Si la suspension est une bonne nouvelle pour certains futurs retraités, elle a évidemment un coûtque le gouvernement s’est engagé à compenser. Les dernières évaluations, dévoilées dans la lettre rectificative, chiffrent ce coût à 100 millions d’euros en 2026, puis à 1,4 milliard d’euros en 2027. Ce montant est inférieur aux premières estimations qui évaluaient la facture à 1,8 milliard pour 2027.
Pour financer cette mesure, l’exécutif a dévoilé ses pistes, qui suscitent déjà de vives critiques :
- Une sous-indexation des pensions des retraités. La revalorisation des pensions en 2027 serait réduite de 0,9 point par rapport à l’inflation (0,5 point supplémentaire venant s’ajouter à une sous-indexation de 0,4 point déjà prévue).
- Une hausse de la contribution des complémentaires santé. Le taux de contribution des mutuelles et assurances santé passerait de 2,05 % à 2,25 % en 2026.
Les réactions politiques et syndicales
Les choix de financement sont déjà sous le feu des critiques. La CFDT et la CGT ont exprimé leur ferme opposition. « Pour la CFDT, il n’est pas possible que la désindexation des pensions prévoie quasiment deux années blanches pour les retraités en 2026 et 2027 », a réagi Yvan Ricordeau, numéro deux du syndicat. Du côté de la CGT, Denis Gravouil dénonce le fait que l’on « fait payer une micro-suspension de la réforme aux retraités actuels et futurs ».
Sur l’échiquier politique, La France Insoumise dénonce « un jeu de dupe ». « Les retraités partiront trois mois avant mais avec une retraite plus faible », a relevé le député Eric Coquerel. Le Rassemblement national, bien que favorable à la suspension, critique aussi le mode de financement. Marine Le Pen s’est interrogée : « Ils tapent toujours sur les mêmes. Et en l’occurrence, évidemment, les retraités sont assez lourdement frappés ».
Les prochaines étapes
Avec cette étape du Conseil des ministres franchie, le parcours législatif peut maintenant commencer. L’examen du PLFSS pour 2026, intégrant la suspension de la réforme des retraites, doit débuter en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dès le lundi 28 octobre. Le texte sera ensuite débattu dans l’hémicycle, avec un vote final attendu au plus tard le 12 novembre 2025, avant son examen par le Sénat.
La suspension de la réforme des retraites est désormais officiellement sur les rails, mais le débat parlementaire qui s’ouvre promet d’être animé, tant les modalités de son financement cristallisent les tensions.